“D’abord un bruit léger [...] pianissimo, murmure et file et sème en courant le trait empoisonné. [...] Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine et rinforzando, il va le diable. [...] Vous voyez la calomnie se dresser, siffler [...] et devenir un cri général, crescendo public, un chorus de haine et de proscriptions”. (Beaumarchais, dans le Barbier de Séville). On peut appliquer à la rumeur ce que dit Beaumarchais de la calomnie.
Il s’agit, en effet, d’une nouvelle qui se répand et s’amplifie au sein d’un groupe ou d’une société jusqu’à devenir une vérité apparente alors qu’elle n’a fait l’objet d’aucune vérification, la rumeur a pu être qualifiée par Jean-Noël Kapferer de “plus vieux média du monde”. Au XXe siècle, ce phénomène sociologique, souvent sous-tendu de haine, continue d’avoir lieu, alimenté par les peurs et les croyances qu’il alimente aussi. Un fait n’ayant jamais existé devient donc une vérité acceptée par un nombre croissant de personnes. Le sociologue Edgar Morin dans “ La Rumeur d’Orléans ” fait apparaître qu’une rumeur se développe à partir de mythes ancrés dans la société et toujours en fonction d’une peur de l’Autre, de celui qui est différent (femme, étranger,...). La fable fonctionne car elle sert de justification à des préjugés, à des représentations ou à des sentiments.
Les rumeurs étant pour la plupart fausses, selon les experts, je ne traiterai dans ce blog que les rumeurs “ volontaires ” et “ fausses ”. j'essayerai de vous faire comprendre les causes et leurs fins, car, loin d’être mystérieuses, puisqu’elles évoquent souvent pour le public un phénomène presque magique, les rumeurs obéissent à une logique forte dont il est possible de comprendre les finalités.
Quand on “ prêche ” le faux par la rumeur, quelles en sont les finalités ?
Je tâcherai de répondre à cette question en essayant dans un premier temps de vous faire comprendre le phénomène de rumeur puis, en évoquant Internet, outil de propagation idéal pour les rumeurs et à travers un champ d’application étayé d’exemples : le marketing.
– CONCEPT DE LA RUMEUR
Il n’existe pas une définition pour la rumeur mais une multitude allant de la légende au mythe, en passant par le conte, la désinformation et la contre-information. La rumeur englobe donc plusieurs termes et domaines d’action qu’il s’agit d’identifier pour savoir et pouvoir les gérer.
A. Qu’est-ce que le phénomène de la rumeur ?
1. Identité des phénomènes proches de la rumeur
De manière générale, les rumeurs sont souvent comparées aux contes populaires (mythes et légendes), désignant différents types de récits véhiculés par les traditions orales et écrites du monde entier. Bien que les contes populaires, qui appartiennent au folklore, soient généralement transmis par le bouche-à-oreille de génération en génération, et
connaissent, de ce fait, de nombreuses altérations et de profondes variantes. D’autres concepts, tels que les propagandes sont également à lier au phénomène de rumeur.
- Les mythes et légendes
Les légendes sont des contes populaires qui, bien que traitant de sujets religieux, diffèrent des mythes en ce qu’elles évoquent ce qui s’est passé dans le monde après sa création. Les sujets en sont variés (vie des saints, histoires de loups-garous ou de fantômes, aventures surnaturelles mettant en cause le monde réel, etc.). De leur côté, au sens strict, les mythes sont des contes populaires à portée religieuse qui ont pour vocation d’expliquer l’univers et le sens de la vie. Ces histoires sont tenues pour vraies par le narrateur et par son public.
- Les propagandes
Les propagandes sont des diffusions d’idées, de doctrines ou d’opinions destinées à influencer ou à conditionner le comportement humain. Fréquemment employé pour dénoncer une pratique trompeuse ou mensongère, le terme de “propagande” a une connotation péjorative. Il n’en reste pas moins que toute forme de communication de masse, on désigne par cette expression toute technique permettant de diffuser à un large public toutes sortes de messages de natures et de finalités diverses, peut être appelée propagande. On parle ainsi de propagande religieuse ou politique, mais on peut également parler de propagande au sujet de la publicité, de l’information ou de l’éducation. Cependant, le
terme désigne moins couramment une action dont le but est d’influencer l’opinion qu’une pratique vise à convaincre par le recours à la manipulation. La propagande est inhérente à la vie sociale. Toute personne ou tout groupe de personnes désirant rallier des partisans à une cause déterminée ou désirant provoquer un comportement spécifique, use d’une forme de propagande. Quel que soit son objectif, la propagande a recours à différentes techniques de persuasion rendues explicites par la psychologie expérimentale et la psychologie sociale.
2. Définition, naissance et gestion des rumeurs
- La définition et naissance de la rumeur
· Définition
Chacun défini la rumeur à sa façon, nous pourrions cependant retenir la définition suivante : “ La rumeur est un récit qui véhicule sous une forme symbolique des peurs, des fantasmes, des espoirs et tout ce qui ne peut pas être dit autrement. À ce titre, les rumeurs ont pour fonction première de faire passer des "messages" indicibles directement. Elles sont donc une photographie de l’état d’esprit d’une société à un moment donné, un formidable révélateur de ce que pensent et croient les individus. Elles sont inséparables des échanges oraux entre individus dont elles constituent la partie la plus vivante ”.
Les rumeurs et les légendes contemporaines changent en permanence, et leur durée de vie n’est pas très grande. De plus, l’histoire qu’elles racontent est souvent pessimiste ou horrifique. Si elles se déposent dans l’inconscient c’est donc sous une forme négative, posant que derrière l’apparence normale des choses existe un univers terrible dans lequel on peut basculer à tout moment.
· Naissance de la rumeur
Comment passe-t-on des phénomènes de "on-dit" au phénomène de rumeur ?
C’est un mélange entre le contenu et le contexte. Il faut que le contenu intéresse le cercle d’individus dans lequel la rumeur va essayer de fonctionner (en effet, on ne trouve pas toujours les mêmes rumeurs partout, il s’agit de viser les bonnes personnes). Il y a donc une appropriation entre le contenu et le public.
S’il n’y a pas cette consistance, il n’y a pas de rumeur. Il doit y avoir une consistance dans le social et pour qu’une rumeur s’amplifie il doit y avoir des propagateurs qui vont pouvoir s’emparer de cette rumeur. Pour des rumeurs nationales ce sont les médias. Les scoops journalistiques sont souvent à l’origine de rumeurs. Les informations subissent des pressions, des manipulations. C’est par ce processus d’adhésion et de mobilisation d’un groupe social qui répand l’information, le message entendu, qui constitue la rumeur. Ce n’est pas par la simple apparition spontanée ou manipulée d’un message. On peut noter certaines étapes initiales de déclenchement des rumeurs :
- L’apparition spontanée d’experts qui interprètent, accusent et révèlent la vérité sur la
situation qui est objet de rumeurs.
- L’apparition d’un fait troublant et ambigu à l’origine du déclenchement de rumeurs
alarmistes.
- Les manipulations et les confidences. Dans le domaine commercial, comme dans celui des
rumeurs visant des personnes, les rumeurs apparaissent souvent à la suite de bruits lancés
par des groupes ou des personnes hostiles.
· La gestion de crise
Option 1 : stopper l’attaque en utilisant les moyens légaux. Il faut identifier, via les sources ouvertes, le responsable de cette attaque. Il s’agit ensuite de rechercher les faiblesses de l’adversaire, repérer les contradictions dans son discours d’attaque, les fausses informations qu’il a peut-être distillées.
Option 2 : démarrer un processus de négociation. Exploiter les failles de l’adversaire, en déclenchant une polémique publique, est une voie possible. La détection et l’identification des menaces peuvent faire reculer l’entreprise prédatrice qui n’a pas l’habitude de voir ses victimes réagir.
Option 3 : ne pas s’ériger en victime. Trop d’entreprises sont effrayées à l’idée d’attaquer leur adversaire. Dès qu’on est soupçonné, on est coupable. De même, cette attitude est commercialement dangereuse car elle peut effrayer les clients.