Importance des émotions
Nous avons constamment des émotions, comme nous avons constamment des sensations. Le film m'ennuie et mon ami(e) de cœur m'attend pour dîner. La décision est facile à prendre: je quitte le cinéma et j'accours chez lui ou elle. Mon enfant est malade, je suis inquiet(e). Malgré mon immense fatigue, je suis d'accord pour les nuits blanches qu'il m'impose. Voilà deux décisions prises à partir de l'information fournie par mes émotions. La plupart des émotions passent ainsi, presque inaperçues, car elles ne nous posent pas de problème. C'est lorsqu'elles nous dérangent que nous nous objectons et que nous tentons de les arrêter ou de les transformer artificiellement. Pourtant, qu'elles nous dérangent ou non, elles jouent le même rôle.
1- Un système d'information
Rappelons que les émotions sont aussi importantes pour diriger notre vie psychique que les sensations au plan physique. Elles nous informent du fait que nous sommes "atteint(e)s" par les choses. Leur intensité nous indique combien "fort" nous sommes atteint(e)s. Elle est donc révélatrice du degré d'importance.
Si un geste, un événement nous atteint, c'est qu'il a une résonance en nous. Il nous renvoie à un vécu qui a une signification subjective. Ainsi nous pouvons dire que ce qui nous touche correspond à un besoin en nous. Il peut s'agir d'un besoin plus ou moins grand, mais ce qui est certain, c'est qu'il est suffisamment important pour que nous soyons ainsi remué(e)s. Par exemple, mon employeur annonce une mise à pied prochaine. Comme je viens de gagner le gros lot à la loterie, ça ne m'affecte aucunement. Mais si je n'ai pas gagné la loterie et que par ailleurs je viens d'acheter une maison, je me ferai sans doute du mauvais sang. Dans le deuxième cas, mon équilibre, du point de vue sécurité est menacé. La situation éveille mon besoin actuel de sécurité. Le besoin révélé par une émotion est toujours un besoin présent, comme c'est le cas pour les sensations.
Les sensations sont ressenties elles aussi dans le présent et nous informent sur la situation présente. Chacune d'entre elles peut être considérée comme nous donnant le pouls sur un aspect de notre état physique du moment. Je vois un trou sur la chaussée, j'allonge le pas pour l'enjamber. J'ai un inconfort au dos, je change de position. J'ai l'estomac qui gargouille, je sais que j'ai faim. Je sens que je perds l'équilibre, j'essaie de le rattraper par divers mouvements. Tout comme nous avons plusieurs types de sensations qui nous renseignent sur différents aspects de la réalité (vue, ouïe, odorat, toucher, goût, mouvement) nous avons divers types d'émotions qui fournissent de l'information spécifique. Ainsi, la tristesse révèle un manque, l'impatience informe du fait que ce que nous faisons présentement n'a pas de sens, la colère surgit lorsque nous rencontrons un obstacle à notre satisfaction, etc...
Les émotions surviennent à l'occasion d'un contact avec le monde extérieur mais elles peuvent aussi être suscitées par ce qui se passe en nous. Par la seule pensée, nous pouvons déclencher une émotion. Un souvenir ravive ma nostalgie. Constater que je reproduis le même comportement me décourage. L'idée qu'il pourrait se choquer m'affole. L'anticipation de sa présence m'excite. Nous pouvons aussi avoir des émotions à partir de nos sensations. Ma douleur m'exaspère. Je deviens affolé(e) en perdant le souffle. Les symptômes de mon angoisse me font paniquer.
Qu'elle provienne de nos pensées ou d'un événement extérieur, l'émotion a toujours la même fonction: elle nous informe. Ce n'est pas parce que nous n'aimons pas le message qu'elle nous transmet qu'il faut l'éliminer. Nous verrons, à mesure que nous préciserons le type d'information fourni par l'émotion, qu'il n'est pas rentable de manipuler sa vie émotive.
La fonction informative de l'émotion fait d'elle, au contraire, un instrument très précieux pour nous orienter. Sentir ma tristesse me permet d'identifier ce qui me manque et de choisir ainsi les actions appropriées pour y remédier. En ressentant mon impatience j'identifie non seulement que je suis en train de perdre mon temps, mais aussi ce qui est ma priorité actuelle. Assister à la joute verbale de mes deux collègues ne m'intéresse aucunement alors que je suis coincé(e) par une importante échéance. Sentir à fond mon découragement m'amènera à des solutions que je n'ai jamais envisagées jusqu'à maintenant. La peine que j'ai à l'idée qu'il (elle) pourrait me rejeter me donne l'occasion de cerner l'importance de cette relation pour moi. Je peux ainsi en tenir compte en m'adressant à lui (elle).
2- Un système de communication
Nous sommes ébahis par la variété des sons qui semblent servir de système d'échange chez les cétacés. Nous devrions être médusés par l'ampleur et la sophistication du registre émotionnel humain! Nous disposons d'une quantité phénoménale de mots et d'expressions pour rendre compte des différentes teintes de nos joies et de nos peines. Les mots et les autres formes d'expression de nos sentiments servent aussi à nous "dire" aux autres. Cette musique me transporte. J'ai à cœur de remettre un travail de grande qualité. Je tiens à obtenir ce contrat. Je suis fièr(e) de mon fils. J'admire ta compétence. Ton soutien m'est précieux. Je serai toujours là pour toi.
Sans émotion, nos échanges seraient moins nourrissants. Imaginons seulement que tous les gens avec lesquels nous sommes en rapport nous soient indifférents. Quel ennui! Imaginons que les livres, les oeuvres d'art, les films, la musique ne déclenchent aucune émotion en nous. Quel vide! Imaginons une relation amoureuse exempte d'émotion. Par définition, ce ne serait pas une relation amoureuse.
Ce sont les émotions qui font que nos relations avec les autres sont nourrissantes. À ce titre aussi elles ont une valeur inestimable. Plus on est capable de les ressentir, plus on peut se nourrir. On se nourrit alors des effets de nos actes ou de ce que les autres nous apportent parce qu'on absorbe, en quelque sorte, en ressentant. Plus on est capable d'exprimer et d'extérioriser nos émotions dans des actes, plus on est nourrissant pour les autres. Cela entre autres parce que nous leur communiquons des choses qui sont importantes pour nous. Or ce que nous vivons leur importe ou les concernent souvent.
3- Les quatre genres d'expériences émotives
Je distingue de toutes les autres expériences émotives, les émotions proprement dites que j'appelle les "émotions simples". Avec celles-ci, il n'y a rien d'autre à faire que de les ressentir. Il y a aussi ce que j'appelle les "émotions mixtes". Elles contiennent des émotions simples, mais souvent beaucoup d'autres choses qu'il est nécessaire d'identifier pour s'informer correctement. Ces expériences émotives doivent absolument être décomposées en leur plus simple expression pour en extraire l'émotion et pouvoir la ressentir. Viennent ensuite les "émotions repoussées" qui donnent lieu à des phénomènes à dominance corporelle. Ces expériences corporelles doivent être traitées de telle façon que l'émotion ou l'expression refoulée puissent être identifiée. Enfin, sous le vocable de "pseudo-émotions", je présente diverses émotions qui n'ont d'émotion que l'apparence. Il est indispensable de les traduire en émotions si on veut réellement s'en servir pour s'informer sur notre expérience.