Un sondage exclusif quand VOGOT nous parle de nos peurs.
Quelles sont-elles ?
Près de la moitié d’entre nous craint pour le bonheur à venir de ses enfants. Dans un monde instable, malmené par les crises économiques et écologiques, le futur est plus que jamais source d’angoisse. Pour apaiser nos peurs, la première étape indispensable consiste à les nommer et à comprendre leurs causes profondes. Décryptages – rassurants.
Sondage exclusif : que craignez-vous le plus ?
Que nos enfants soient malheureux
45 % des Français ont peur que leurs enfants ne soient pas heureux. Première peur citée, elle atteint 53 % chez les 50-64 ans, et 49 % chez les 25-34 ans et les 35-49 ans.
La maladie
39 % ont peur de la maladie. Cette crainte concerne surtout les tranches d’âges les plus élevées : elle touche 54 % des 65 ans et plus, et 48 % des 50-64 ans. Au contraire, les 25-34 ans ne sont que 20 % à l’évoquer.
La dégradation de l'environnement
38 % ont peur de la dégradation de l’environnement. Cette peur arrive en tête chez les 25-34 ans (53 %) et en deuxième position chez les 18-24 ans (56 %), alors qu’elle ne touche que 24 % des 65 ans et plus. Dans cette classe d’âge, c’est la peur de la vieillesse qui arrive en troisième position (38 %).
Le chômage
38 % ont peur du chômage. Une crainte particulièrement vive chez les 18-24 ans, qui sont 57 % à l’évoquer, et chez les 25-34 ans (48 %). Les 35-49 ans lui accordent la deuxième place (47 %).
Le manque argent
34 % ont peur du manque d’argent. Comme la peur du chômage, elle est plus forte chez les jeunes : elle est ressentie par 45 % des 18-24 ans et par 44 % des 25-34 ans.
Les cinq autres peurs citées :
- 31 % ont peur de l’insécurité (34 % des 65 ans et plus).
- 19 %, de la détérioration des conditions de travail (29 % des 25-34 ans).
- 19 %, de la vieillesse (38 % des 65 ans et plus).
- 7 %, de la solitude (20 % des 65 ans et plus).
- 3 %, du divorce, de la séparation (7 % des 25-34 ans).
Que nos enfants soient malheureux
« Notre société insiste énormément sur l’importance de bien s’occuper de ses enfants. Cette pression est accrue par le fait qu’avoir un enfant est désormais mis sur le compte du seul désir des adultes : c’est “un enfant si je veux, quand je veux”. D’où une responsabilité grandissante à leur égard. » Et excessive, car « on ne peut pas “contrôler” le bonheur d’un autre ».
J'explique cette peur par le fait que « la famille s’axe aujourd’hui autour des sentiments, du fait d’être bien ensemble… Dans ce rapport en miroir, les enfants sont devenus le baromètre du bonheur de leurs parents. Pour peu que l’ado se montre hésitant par rapport aux études qu’il veut faire, ses parents se sentent eux-mêmes menacés. En fait, en disant qu’ils ont peur pour l’avenir de leurs enfants, les adultes ne font qu’exprimer leurs angoisses vis-à-vis de leur propre futur ».
Notre peur de la maladie
Parmi les angoisses les plus prégnantes, celle de la maladie. Une crainte universelle et intemporelle, « nous en avons peur parce que nous avons peur de la mort ». Mais ce qui est spécifique de notre culture occidentale contemporaine, « c’est une volonté hédoniste, un désir d’échapper à la souffrance, une tendance à l’anesthésie, une préoccupation de trouver des moyens de s’étourdir pour oublier notre vulnérabilité. Cette recherche d’hédonisme paraît d’autant plus facile à combler que les innovations technologiques permettent souvent d’y répondre. Dans ces conditions, la maladie représente une perturbation d’autant plus redoutable et redoutée ».
Autre explication, avancée par le neuropsychiatre David Servan-Schreiber, auteur d’Anticancer (Pocket, “Évolution”, 2009): « La maladie nous effraie parce que nous pensons ne pas avoir prise sur elle. Or, je me bats justement pour faire comprendre que c’est un faux sentiment d’impuissance : nous pouvons faire beaucoup pour prévenir la maladie et lutter contre elle, prendre soin de nous, de notre alimentation, de la planète, de ses ressources… »
Peur de la dégradation de l'environnement
Si l’état de notre environnement figure parmi nos premières peurs, c’est bien la preuve que « nous prenons conscience que les bouleversements écologiques nous touchent directement, confirme la navigatrice Maud Fontenoy, auteure de Ma maison écolo (Chêne, 2009). Aujourd’hui, chacun comprend que parler de la sauvegarde de l’environnement, ce n’est pas seulement parler de la préservation des baleines, mais de notre propre survie… et, surtout, de celle de nos enfants ». Ce qui expliquerait que cette peur arrive en tête chez les 25-35 ans, âge auquel on commence à fonder sa propre famille et à s’inquiéter davantage pour ses enfants que pour soi. « Or, lorsque l’on apprend que chez les plus jeunes les maladies respiratoires se multiplient, que les poissons que nous mangeons sont bourrés de pesticides, de polychlorobyphényles (PCB) et de métaux lourds…, on comprend que la question de l’environnement nous ramène à celle de la santé et du devenir des hommes», alerte la navigatrice. Nos plus grandes peurs sont interdépendantes.
Peur du chômage
« Que la peur du chômage arrive en tête chez les plus jeunes n’est pas une surprise… puisque c’est une réalité ! ». Les jeunes sont en effet les premiers concernés par la hausse du taux de chômage. Ce qui peut surprendre, en revanche, c’est un tel réalisme de la part d’une jeunesse que l’on imagine davantage nourrie aux idéaux et aux rêves. La crise y est pour beaucoup. « Elle a agi comme un violent retour du réel : le discours volontariste qui dominait jusqu’alors (“il suffit de vouloir pour pouvoir”, de “se lever tôt”…) a été brutalement étouffé par les difficultés économiques. Cela oblige à regarder la réalité en face. »
Mais loin de nous paralyser, ces peurs doivent être vécues comme des émotions vitales essentielles : « Pour avoir connu la peur dans mes défis maritimes, je sais qu’elle est utile, parce qu’elle incite à être plus rigoureux, discipliné, persévérant… » confie Maud Fontenoy. Elle invite à agir dans le présent, sur soi et avec les autres, pour se fabriquer un avenir plus viable, plus fiable – donc moins inquiétant.
Le décryptage
[TEMOIGNAGE] Catherine, 43 ans, mariée, deux enfants : Quand je pense à l’avenir, j’ai peur de tout : peur de tomber malade, de mal vieillir, que mon mari perde son travail… Avoir deux enfants devrait m’aider à envisager le futur avec enthousiasme, mais non ! Parce que j’éprouve encore plus d’inquiétude pour eux : je redoute qu’ils ne puissent pas s’épanouir sur une planète malmenée par les bouleversements climatiques, l’instabilité économique, les guerres idéologiques… »
Comme Catherine, nous sommes nombreux à envisager l’avenir sous le signe de la peur. Rien de plus normal : même pour les plus prévoyants, l’avenir reste une énigme. Il renvoie à la « grande inconnue », la mort, dont nul ne peut prédire quand ni comment elle frappera. En cela, la crainte de l’avenir est universelle et archaïque, propre à la condition humaine. Nous appréhendons ce que nous ne connaissons pas, et cela devient source de fantasmes : « La peur est plus grande de loin, et diminue quand on approche », écrivait le philosophe Alain (in Les Passions et la Sagesse - Gallimard, 1960), une preuve que « c’est proprement l’imagination qui fait peur ». Et que c’est, au contraire, en apprenant à regarder de près et à identifier les causes profondes de nos angoisses que celles-ci peuvent se dissiper.
À ces causes intemporelles s’ajoutent des facteurs contemporains. « Nous vivons dans une société où la peur tient une grande place ». En témoignent la hausse de notre niveau de stress et des maladies qui lui sont liées, notre consommation d’anxiolytiques, parmi les plus élevées au monde... Cela tient « au conflit, très actuel, entre notre hyper exigence de bonheur et la mise à mal de toutes les valeurs symboliques, morales et idéales qui devraient nous aider à avancer sur ce chemin ». Ces valeurs sont les repères que les « pères », au sens large (pères de famille, chefs de l’État, maîtres…), sont censés incarner et nous transmettre. « Or, eux-mêmes sont obnubilés par la seule acquisition de leur propre jouissance – avoir de l’argent, du pouvoir, une vie amoureuse et sexuelle épanouie… ».
Ne pouvant plus nous fier aux piliers idéaux et moraux qui tiennent la société, chacun de nous doit devenir son propre guide dans la vie. « Et sur cette voie. « En disant qu’ils ont peur pour l’avenir de leurs enfants, les adultes ne font qu’exprimer leurs angoisses vis-à-vis de leur propre futur » évidemment, nous avons un immense sentiment d’insécurité, puisque rien n’est donné ni garanti, puisque aucun choix n’est validé par l’autorité qui fait “loi” ». Paradoxalement, « nous vivons, en Occident du moins, dans des sociétés qui n’ont jamais été aussi sûres, tant sur le plan de la santé que de l’hygiène et de la sécurité ». Pourquoi, alors, tant de peur face à notre avenir ? Parce que « plus la situation objective s’améliore, plus nous croyons pouvoir et devoir tout contrôler. D’où notre état d’angoisse, qui monte dès que nous sommes face à quelque chose que nous ne pouvons pas maîtriser ». Ce « quelque chose », c’est l’avenir, mais plus précisément – et c’est ce que nous indique notre sondage –, l’avenir du bonheur de nos enfants, de notre santé, de l’état de l’environnement…
Autant d’éléments sur lesquels nous sommes toujours plus responsabilisés, voire culpabilisés.